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Tout d'abord, dire que c'est de la très belle littérature : les phrases chantent à l'oreille. On a envie de les lire lentement, tranquillement et on accélère pourtant, tellement on souhaite aussi connaître la suite de l'histoire. C'est une chronique sociale qui se déroule dans une ville provinciale pendant la Première Guerre mondiale. On veut comprendre pourquoi et comment Belle de Jour, une fillette de dix ans, a été assassinée ! Comme si cela ne suffisait pas, ces dizaines de corps broyés, tout près, sous les canons qu'on entend gronder au loin sur le sinistre champ de bataille.
Avant le drame, Belle de jour virevolte entre les tables de la salle de restaurant tenu par son père. Tout comme elle, ses deux sœurs mettent la main à la pâte.
Qui a tué Belle de jour ? On pourrait se retrouver dans un banal roman policier mais bien plus, on assiste aux déroulement de destins entrecroisés. Un juge qui mange des œufs mollet sur les scènes de crime, un procureur qui oublie aussitôt les visages de ceux dont il a fait couper la tête, une institutrice qui va amener un peu de fraîcheur et qui va faire chavirer les cœurs.
Le narrateur semble bien connaître le village et les différents protagonistes du drame. On ne sait pas exactement qui il est mais on le découvre peu à peu sans que cela ne pose de problème à la lecture.
Ce qui frappe dans ce roman est la prégnance du non-dit. Des possibilités sont suggérées sans qu'on puisse en avoir l'extrême certitude. Des complicités lourdes de conséquence semblent s'être nouées sans qu'aucun dialogue ne soit rapporté et sans même qu'ils semblent un jour avoir existé. L'ambiance est grise, les âmes grises aussi car salies de la trahison et d'injustes cruautés exercées sur des êtres purs.
L'écriture de Claudel est quelque peu ensorcelante. Et même si la noirceur peut plomber l'âme du lecteur, un charme opère, c'est indéniable ! À lire absolument !!
Le Livre de Poche ; 2006 ; 286 p. ; 6,90 €